Homélie du 4 octobre 2020 messe TV

Homélie de Frère Didier Croonenberghs, dominicain

 

Frères et sœurs,

 

"La pierre rejetée des bâtisseurs est devenue pierre d’angle". Voilà le verset des écritures le plus souvent cité dans le Nouveau Testament !

 

Pour le comprendre, faisons un peu de rudologie! Peut-être avez-vous déjà entendu parler de cette science nouvelle qui étudie les déchets. La 'rudologie' se penche sur tout ce que nous rejetons ! Et bien souvent, cela parle de nous, de nos modes de surconsommation, de notre incapacité à conserver, à sauvegarder… Dans la vie, il est parfois tellement plus simple de jeter, de laisser tomber lorsqu’une relation ne porte pas de fruits, plutôt que de persévérer, avec douceur et patience ! Oui, les bâtisseurs que nous sommes rejettent tant des pierres, pourtant bien vivantes…

 

D’un point de vue humain, n’en faisons-nous pas souvent l’expérience ? Combien de groupes peuvent parfois se souder simplement par l’opposition : rejet de l’autre, rejet d’une victime - innocente ou non -, d’un bouc émissaire qui permet souvent de ne pas remettre en question. Combien de fois n’avons-nous pas croisé ces personnes qui se posent en s’opposant ? Et lorsque de la critique et de la violence s’expriment, cela parle d’elles, plutôt de ceux qu’elles visent… Quant à nous, nous nous conduisons parfois comme ces mauvais vignerons : en convoitant ce que nous n’avons pas, plutôt qu’en cultivant ce que nous avons. "Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !".

La parabole nous le rappelle : une réelle violence est inscrite en nous…

 

L’évangile de ce jour n’est cependant pas un simple miroir de cette triste réalité. Il nous amène justement au-delà de nos logiques de violence et d’opposition ! Pour le comprendre, reprenons la citation de la parabole. Regardons d’abord - sans culpabiliser - ce que nous avons peut-être trop vite rejeté, mis de côté, abandonné dans nos vies. N’y-a-t-il pas des projets, des proches, trop vite oubliés, avec lesquels il nous faut peut-être construire, reconstruire ? L’évangile nous pose donc cette question : sur quoi peux-tu te reposer, en qui peux-tu te déposer ?

 

Au sens premier, la pierre d’angle signifie la première pierre d’un édifice. C’est elle que l’on place au début, qui inaugure les travaux… Elle nous invite à nous souvenir de nos fondations.

La pierre d'angle est bien la première pierre d’une construction nouvelle. Et lorsque celle-ci est dans notre vie le roc du Christ, elle nous permet d’accueillir une sérénité intérieure, au-delà de ce que nous pouvons imaginer pour nous-mêmes. Notre première pierre nous rappelle que nous sommes des êtres reçus, en construction, inachevés, toujours en devenir... Cette première pierre sur laquelle nous pouvons nous poser, nous reposer, sans nous opposer, n’est-ce pas tout simplement la "paix de Dieu qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir» ? Cette paix, magnifiquement décrite dans la deuxième lecture, est un hymne à la sérénité intérieure ; une invitation constante à ne voir que le bien en chacun. À nous poser, nous reposer, nous déposer en Dieu.

 

Comment alors faire grandir cette paix au fond de nous, lorsque tout semble s’effondrer ? En prenant justement en compte ce qui dure, ce sur quoi nous pouvons prendre appui. Écoutons la lettre : "Tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu et qui mérite des éloges, tout cela, prenez-le en compte." Pour le dire autrement, plutôt que de commencer par rejeter, s’opposer, se lamenter, nous sommes invités sans cesse à rendre grâce ; à faire en sorte que soient gravés sur la clé de voûte de notre édifice de mots de bénédiction, que sur le portail de notre cœur, soient inscrits des mots de pardon, que les plans de notre vie toujours à dessiner soient à l’échelle de la démesure de Dieu ! C’est à nous, chaque matin, de choisir ce qui compte, ce qui dure, pour que la paix de Dieu garde nos cœurs et nos pensées.

 

Cette paix intérieure nous donne de regarder avant tout en quoi une situation peut être juste… plutôt que de chercher en quoi elle peut être injuste ! Regarde d’abord en chaque personne ce qui est digne d’être aimé, plutôt que de lorgner sur ce qui est moins honorable... "Tout ce qui est bon, prenez le d’abord en compte." En un mot, commence par rendre grâce, et repose-toi sur celui en qui tu trouves ta source. Alors tu seras crédible, et tu pourras t’insurger contre ce qui est injuste. Alors, tu pourras t’opposer contre ce qui défigure l’humain…

 

Vivre comme cela, en prenant inconditionnellement comme point d’appui la parole du Christ, nous fera découvrir une paix qui dépasse tout ce que nous pouvons concevoir pour nous-mêmes. Une paix bien plus profonde qu’une absence de conflit. C’est cette paix inimaginable - au-delà de nos oppositions puisqu’elle vient de Dieu - que je vous souhaite de découvrir, de cultiver et de répandre autour de vous. Alors, vous aurez en héritage une joie que personne ne pourra vous prendre. Amen.

 


 

 

Troisième dimanche de Pâques   26 avril

« Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. (Lc 24, 13-35)

Pauvres disciples d’Emmaüs.  Visiblement, ils avaient vécu de belles années avec Jésus …  Et voilà qu’en trois jours, tout s’est envolé.  Ils retournent donc chez eux. 

Vous l’avez remarqué, nous ne connaissons le nom que de l’un d’entre eux : Cléophas.  L’autre n’a pas de nom, parce que c’est chacune et chacun d’entre nous.  Par ailleurs, les archéologues n’ont jamais retrouvé le village d’Emmaüs, parce que Emmaüs, c’est ici …

 

C’est donc notre histoire que Luc nous raconte aujourd’hui. 

                                 

Si nous participerons virtuellement à l’eucharistie ce matin, c’est que tous, à un moment ou à un autre de notre existence, nous avons mis notre confiance dans le Seigneur.  Oui, nous croyons qu’il peut être un soleil dans notre vie.  Mais voilà : tel ou tel événement que nous avons vécu ou telle chose que nous rêvions de vivre se sont passés, la pandémie, ses malades et ses décès nous ont ébranlés … et comme les deux disciples, nous nous demandons où est Jésus.  Est-ce que je ne me suis pas trompé, n’était-ce pas une illusion ?  Qui d’entre nous pourrait dire qu’il ne s’est jamais posé cette question.

 

Et pourtant, nous dit Luc, voilà que le Seigneur marche avec nous sur la route, nous parle, nous explique, mais nous ne le reconnaissons pas.  Vous vous souvenez du combat de Jacob, combat à la fin duquel Jacob dira : « Dieu était là et je ne le savais pas » ou encore saint Augustin qui dira : « Bien tard je t’ai aimée, ô beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée ! Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors et c’est là que je te cherchais. »

 

Ne cherchons pas le Seigneur au loin, ne nous trompons pas de route, mais invitons-le ce matin : « Reste avec nous, Seigneur, il se fait tard et déjà le jour baisse »

Oui, si tu veux rencontrer le Seigneur, entre avec lui dans l’auberge d’Emmaüs, cette auberge qui est notre église virtuelle ce matin.  Aujourd’hui, comme il y a 2.000 ans, il va rompre le pain et il va disparaître.  Oui, il va disparaître, puisqu’il est désormais dans ce pain, il est désormais le pain.

 

Ce récit nous redit le cœur de notre foi.  Dieu est toujours là, même si je ne le vois pas ; Dieu est toujours là dans cette Parole que nous venons d’entendre et dans ce pain que nous allons recevoir … nous ne savons pas encore quand ...  Mais, comme pour tout amour, si le Seigneur ne rêve que d’une chose – se donner à nous, nous donner son amour – comme pour tout amour, il respecte notre liberté et se fait tout petit, tout pauvre.  « J’ai envie de toi, mais je t’aime tellement que je ne peux pas forcer ton oui »

 

Si nous répondons au Seigneur, nous aurons le cœur tout brûlant ; si nous répondons oui à son amour, nous irons vite à Jérusalem, pour annoncer qu’il est vivant.  C’est ainsi que l’Église avance et grandit depuis 2.000 ans : par la force de témoins qui sont témoins joyeux de la Bonne Nouvelle d’un certain Jésus de Nazareth.

 

Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité.  Alléluia !         

 


 

 

Deuxième dimanche de Pâques   19 avril 2020

 

« Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun » (Ac 2, 42-47)

 

Qu'il nous est bon, pendant tout le temps de Pâques, de lire et de relire ce merveilleux livre, qu'est celui des Actes des Apôtres.

 

Oui, il nous est bon de le lire, car ce texte écrit par Luc, nous montre la première communauté chrétienne, celle qui vit de la Résurrection, toute neuve, encore.  Mais par-delà, ce livre, vieux de 2.000 ans, c'est pour nous un appel qui nous est lancé.  Chaque fois que nous ouvrons ce texte de Luc, nous voyons ce que doit être l'Église de notre temps, nous voyons ce que doivent être nos paroisses, pour vivre vraiment du Ressuscité.  Faut-il vous rappeler que notre Unité Pastorale continue de vivre - et même de bien vivre - malgré la situation que nous vivons, durant laquelle nous ne nous rencontrons plus physiquement !

 

 

Sans doute, ce texte est-il un peu arrangé, sans doute, Luc a-t-il augmenté un peu les qualités de la première communauté.  Mais peu importe : Écoutons ce texte, comme un appel à être toujours davantage une communauté vivant dans la lumière du Ressuscité.

 

 

Première chose que Luc nous dit : c'est que la première communauté chrétienne avait un seul cœur et une seule âme.  Le Concile Vatican II a défini la Paroisse comme étant : "La famille des familles".  C'est cela que ça veut dire !  Quand une communauté chrétienne est vraiment authentique, elle vit dans l'unité.  Nous devons toujours veiller à ne pas former des petits groupes qui vivent l'un à côté de l’autre ; mais sans se connaître vraiment.  Nous ne sommes pas des concurrents, dans l'Église, nous devons être une famille, ou comme dit saint Paul - mais c'est la même chose - nous devons être un corps.  Et dans un corps, chacun est important : le cerveau, comme les doigts ; le cœur comme le genou.  Personne ne peut dire que l'autre ne sert à rien.  Mais chacun doit remercier le Seigneur pour son frère différent de lui.

 

C'est dans la prière, et d'une façon toute spéciale, dans l'eucharistie, que nous vivons l'unité.  Nous ne venons pas à la messe, seuls, nous y venons ensemble, pour remercier le Seigneur pour notre paroisse, cette seconde famille qu'il nous donne.  Et aujourd’hui, sans y venir physiquement, nous la vivons d’une manière ou d’une autre, mais … ensemble.

 

Deuxième chose que le Seigneur nous dit, par ce texte des Actes, c'est que les premiers chrétiens mettaient tout en commun : leur argent sans doute, mais, sans doute, plus largement, toute leur vie.  Une paroisse évangélique est une paroisse où chacun partage la joie de son frère, mais aussi une paroisse où chacun porte le souci et les peines des autres.  Cela implique, mes amis, que nous nous connaissions toujours davantage.  Car comment, pourrions-nous partager les joies et les peines des autres si nous ne les connaissons pas.  C'est bon, ce que beaucoup d'entre vous font déjà, en se saluant au début et à la fin de chaque eucharistie. Et aujourd’hui, malgré le confinement, nous pouvons nous envoyer un mail, un sms, nous donner un coup de fil ...

 

 

Troisième chose enfin, les Actes nous disent que dans la première communauté chrétienne, personne n'était dans la misère.  Car la vie chrétienne, elle n'est pas une vie dans les nuages : elle se vit très concrètement, jusqu'à un certain partage de nos biens.  C'est ce que nous faisons à chaque collecte. Et aujourd’hui, malgré le confinement, nous pouvons nous impliquer de toutes sortes de manières dans le soulagement de la misère dans notre pays et dans le monde.

 

 

Vous le voyez, ces trois points, notre communauté chrétienne les vit déjà.  C'est bien.  Mais, par ces textes, le Seigneur nous rappelle que rien n'est jamais définitivement acquis, que ces trois points nous devons nous les rappeler toujours, et que nous devons les faire grandir toujours davantage, ici à Trooz et à Chaudfontaine. 

 

 

En ce temps de Pâques, demandons au Seigneur, que sa lumière nous guide toujours plus loin sur ce chemin.

 


 

Dimanche 01/01/17

Sainte Marie, Mère de Dieu.

 

Mes amis,

 

Quelle bonne idée l’Église a eue de nous faire commencer l’année nouvelle en célébrant Marie, la Mère de Dieu, mais aussi la Mère et l’Icône de l’Église.  Cette année nouvelle, nous sommes donc invités à la vivre comme elle et avec elle.  Avec Marie, nous sommes sûrs de ne jamais nous tromper de route, nous sommes sûrs aussi qu’elle nous conduira toujours à son Fils et à toute la Trinité.  Alors, regardons les lectures de cette liturgie.

 

Et tout d’abord la première lecture du livre des Nombres est sans doute la plus belle formule que l’on pourrait imaginer pour nos vœux de nouvelle année : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage ».  Noël nous a rappelé que Jésus est la Lumière qui brille dans les ténèbres, la Lumière qui éclaire les nations.  D’une façon toute particulière, nous lui demandons, aujourd’hui, que sa lumière illumine nos visages de la même manière qu’il éclaire le visage de Marie, sa Mère.  Car Marie est toute éclairée, toute inondée de la Lumière du Seigneur.  Vous le savez, dans la tradition iconographique, on compare souvent Dieu au soleil et Marie à la lune.  C’est d’une grande beauté et d’une grande justesse théologique.  Le soleil éclaire, envoie la lumière et Marie la  réfracte.  La Lune n’a pas de lumière en elle-même; sa force, sa grandeur, c’est d’être le réceptacle de la lumière du soleil et, ainsi d’éclairer la terre.  Voilà trois grâces que nous devons demander à Marie pour cette nouvelle année.  La première : ne pas nous prendre pour des lumières, pour le soleil.  Dieu seul est la lumière qui éclaire les nations, comme le dit le cantique de Zacharie.  

 

Deux : accepter la lumière.  Vous savez que les couleurs claires rejettent la lumière, contrairement aux couleurs foncées (c’est pour cela qu’en pays de mission, les prêtres mettaient des soutanes blanches pour ne pas avoir trop chaud).  C’est très beau aussi, si je suis trop clair, je ne vais pas accepter la lumière de Dieu.  Si je suis rempli de moi-même, Dieu ne peut rien pour moi.  Marie le dira bien dans son Magnificat : « Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides ».  Il s’agit d’être les mains vides devant le Seigneur pour pouvoir l’accueillir.  Mais aussi - et ici, ça ne marche plus pour Marie l’Immaculée – si je me crois bon, impeccable (c’est-à-dire sans péché, étymologiquement) la lumière de Dieu ne peut pas pénétrer en moi.  C’est seulement en reconnaissant que je suis pécheur, que je peux goûter à la Lumière et à la Chaleur de Dieu.  « Je ne suis pas venu pour les bien portants, ni pour les justes; mais pour les malades et les pécheurs ! »

 

Trois : comme la Lune.  Si je reçois la Lumière, c’est pour la transmettre.  Marie ne garde rien pour elle.  Elle a reçu son Fils et elle nous le donne.  Comme la Lune éclaire la Terre, comme Marie éclaire l’Église, tout chrétien doit être une petite lumière pour le monde; témoin d’espérance, artisan de justice, rempli de la Bonne Nouvelle de l’Évangile.  Comme les bergers qui s’en vont, « en racontant tout ce qui leur avait été annoncé au sujet de l’enfant », nous dit Luc, chacun de nous est envoyé, avec Marie annoncer les merveilles du Seigneur à notre temps.

 

Enfin, vous le savez, si la lune éclaire la terre de jour et de nuit, c’est surtout la nuit que nous voyons la clarté de la lune.  Et là encore ... quelle justesse !  Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience.  C’est souvent au cœur de l’obscurité et des ténèbres que nous percevons la présence de Marie.  Quand tout est clair, très discrètement, elle s’efface.  Par contre, quand nous ne voyons plus le Seigneur, quand il a l’air absent, alors, nous voyons la clarté de Marie qui nous donne la lumière de son Fils.  Je me souviens d’une paroissienne qui avait perdu son mari tout jeune, puis ses enfants assassinés en Afrique et sa petite-fille, assassinée, elle aussi, vingt ans plus tard par son fiancé éconduit.  Cette dame m’avait dit : « Je ne pouvais plus prier, plus rien du tout, mais j’avais mon chapelet dans la poche.  Je ne pouvais pas le prier, mais je le serrais de toute mes forces au point d’en avoir cassé plus d’un.  Et j’ai pu garder la foi, et l’espérance est revenue. »  Je n’ai jamais oublié cela.

 

Voilà mon souhait : que Marie nous accompagne durant toute cette année; qu’elle nous donne de lui ressembler en étant petits, réceptifs et communicateurs.  Et qu’elle brille pour nous dans les moments difficiles.  Amen.


 

 

            Mes amis,

 

 

            S’il est bien un personnage discret dans l’évangile, c’est bien Joseph !  On en parle juste aux alentours de la naissance de Jésus, ce qui a fait dire à certains qu’il était mort jeune.  Mais rien n’est établi, on lui demandera quand on arrivera au ciel.

 

 

            Personnage discret, mais tellement beau; personnage à qui nous sommes invités à ressembler en cette toute fin d’Avent.  On nous dit de lui qu’il est un homme juste, comme on l’a dit plusieurs siècles plus tôt d’Abraham.  Et allez voir dans la Bible : chaque fois qu’on nous dit de quelqu’un qu’il est juste, chaque fois, on voit cette personne faire une confiance absolue au Seigneur, sans voir, sans comprendre, mais avec la conviction intérieure que ce que le Seigneur fait est bon, tout simplement.  On admire la confiance de Marie, mais à quel point il faut admirer celle de Joseph.  Joseph n’est pas le « héros » de l’histoire, il joue un second rôle; il ne tient pas la vedette dans le générique du film ... et pourtant son rôle est capital : inscrire Jésus dans la lignée de David.

 

Nous aussi, comme Joseph, nous jouons souvent les seconds rôles; souvent, nous ne sommes même pas dans le générique du film ... et pourtant, notre rôle à chacun est important pour la venue du Seigneur.  Évidemment, nous ne ferons pas de coups d’éclat, mais nous disons simplement « oui » au Seigneur dans les petites choses qu’il nous demande, même si nous ne comprenons pas, même si nous aurions parfois envie d’avoir un plus beau rôle, d’être en grand, au début du générique final : Comme disait François de Sales, « il nous fleurir là où nous sommes semés » ou encore « il nous faut faire les choses ordinaires de façon extraordinaires ».  Là réside peut-être la sainteté de Joseph.

 

 

            Deuxième chose que fait Joseph : il prend Marie chez lui.  N’est-ce pas là une merveille sans nom.  Joseph va épouser et vivre avec la Mère du Seigneur et avec le Seigneur lui-même, par ce geste.

 

La liturgie nous invite donc à prendre Marie chez nous, pour l’avoir, mais aussi pour avoir Jésus.  On a dit un mal fou de Marie, on nous a fait croire qu’en prenant Marie, on excluait Jésus ...  Mais c’est tout le contraire.  Évidemment, on peut connaître Jésus sans Marie, mais Joseph nous donne sans doute le moyen le plus simple : en accueillant Marie, enceinte, chez lui, il accueille aussi et avant tout Jésus.  Regardez d’ailleurs la prière de l’Ave Maria que nous égrenons dans notre chapelet.  La phrase centrale de la prière ne concerne pas Marie mais bien Jésus.  « Et Jésus, ton enfant est béni ».  Prenez-la chez vous et vous recevrez Jésus et Jésus en plénitude.

 

 

            Enfin, Marie, ayant trouvé un foyer grâce à la confiance de Joseph, c’est elle qui va pouvoir être la catéchiste privilégiée de Jésus.   Et elle va l’être avec Joseph.  Joseph animant la prière domestique – en particulier celle du sabbat – et Marie enseignant la foi d’Israël à Jésus.  C’est ainsi dans la mode juive, vous le savez bien.  Jésus n’a pas appris sa foi tout seul, il l’a reçue de Dieu, et par Marie et par Joseph.  Prenons-les tous les deux chez nous.  Que Joseph nous apprenne à nous aussi la prière, qu’il dirige notre prière.  Que Marie nous enseigne la foi d’Israël.  Ni l’un ni l’autre n’étaient compétents.  Pas de formation théologique et pastorale, mais juste de l’amour et encore de l’amour.  

 

 

 

            Comme Joseph et Marie, nous sommes tout proches de l’accouchement, de l’accouchement d’un monde nouveau.  Demandons-leur d’être à leur suite de joyeux témoins d’une confiance absolue dans ce que le Seigneur veut faire.  Amen.

 

 


 

 

 

 

Commentaire de l'évangile du 4 déc 16    

 

Avouons que nous n’aimons pas beaucoup cet évangile : « Convertissez-vous »« engeance de vipères »« il brûlera la paille au feu qui ne s’éteint pas » … Faut-il donc passer par tout cela pour pouvoir accueillir la joie de Noël ?  Avaient-ils donc raison ces bons pères qui, prêchant les missions paroissiales, brandissaient un crâne humain pour nous inviter à la conversion ?

 

 

 

Surtout, ne confondons pas la fin et les moyens.  Si le style « bulldozer » peut  nous rebuter, la raison de ce style est tellement belle et doit nous remplir de joie : « Il vient et il vous baptisera. »

 

 

 

Il vient …  Depuis ce temps qu’on l’attendait … et ouf … le voilà qui arrive enfin.  Tous, sans doute, nous l’avons chanté « Depuis plus de 4.000 ans, nous le promettaient les prophètes ».  Il était promis et le voici qui vient ; alors, oui, le reste, ce n’est que des moyens.  Jean vivait à Qumrân, au désert et il savait combien les chemins de désert doivent être sans cesse refaits.  Une tempête de sable et voilà que le chemin disparaît ; une tempête de sable et voilà que des montagnes de sable apparaissent ; une tempête de sable et voilà que l’on est perdu au cœur du désert !  Et si celui qui vient risquait de s’ensabler dans le chemin de notre cœur ?  Et si la route même de notre cœur disparaissait ? Et si les montagnes donnaient à l’Emmanuel, l’envie de rebrousser chemin ? 

 

 

 

Il vous baptisera …  Déjà la semaine dernière Paul nous invitait à revêtir les armes de lumière ;  et le Prophète de compléter l’habillement : « La justice est la ceinture de ses hanches ; la fidélité est la ceinture de ses reins. » Oui, il nous faut nous revêtir de la lumière de notre baptême, puisque c’est pour cela qu’il est venu et qu’il vient.  Car il nous baptisera dans l’eau et l’Esprit, « esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur » nous dit Isaïe. 

 

Tu veux vivre de l’Esprit qui t’est donné ; tu veux, à la suite de l’enfant de Noël, te ceindre de la justice et de la fidélité ?  Alors, ne perds pas une seconde et écoute Paul s’adressant aux Romains : « sois homme et femme d’espérance, sois d’accord avec les autres, rends gloire à Dieu, accueille les autres comme le Christ t’a accueilli pour la gloire de Dieu ...

 

 

 

            En voilà un bel habit de baptême !  Peut-être nous apparaissait-il rêche comme le vêtement du Baptiste.  Mais, lavé dans l’eau du baptême, le voici désormais nimbé de la douceur de ce Dieu qui jugera les petits avec justice ; qui se prononcera en faveur des humbles du pays.  Dans l’espérance, nous osons déjà la proclamer : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. »

 

 

 

Abbé Pierre Hannosset

 

 

 


 


 

 

    La vasque  d’eau a été remplie au début de cette eucharistie.  Et c’est normal : aujourd’hui, nous sommes, randonneurs avec Jésus, au cœur de désert … et si nous voulons tenir dans le désert, nous aurons besoin d’eau, de beaucoup d’eau.  Oui, nous sommes randonneurs au cœur du désert avec Jésus, nous sommes au cœur des tentations.  Et ça aussi, c’est normal !

 

     Mercredi, nous avons décidé d’entreprendre cette longue marche afin de faire grandir en nous notre humanité, afin de retrouver notre beauté première d’hommes et de femmes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.  Chaque fois que nous décidons cela, il y a une voix intérieure qui nous dit : « Mais non, ne fais pas ça, c’est trop difficile, continue à être comme le Monde te dit d’être : c’est tellement plus facile et tu seras heureux. »

Chaque fois, que nous voulons retrouver notre beauté première, la tentation s’insinue en nos vies, qui nous dit que le bonheur est dans l’avoir, le pouvoir et le valoir.  Les tentations de Jésus sont les tentations de l’homme, et de tout homme, et de tout temps.  

 

     C’est cela aussi le désert : vivre ces tentations et décider d’y résister ; décider que l’esprit du monde ne l’emportera pas sur l’Esprit de Dieu qui nous indique le vrai bonheur.

 

     Alors, traversons le désert avec courage, en sachant, dans la foi, que le Seigneur y est aussi, qu’il y est avec nous, et qu’il nous donnera l’eau vive, celle qui comble vraiment notre soif : « Si tu savais le don de Dieu, tu le prierais de te donner à boire. »

 

     Oui, Seigneur, le monde m’invite à trouver le pain de ma route dans le confort, l’argent, l’opulence … Mais avec toi, je veux croire que c’est toi le vrai Pain, que tu es « le Pain vivant descendu du ciel ».  La société de consommation avec sa quête effrénée des nourritures terrestres toujours plus alléchantes est un grand danger pour l’homme. Le carême est donc d’abord écoute attentive de la Parole de Vérité qui fait vivre.

Se priver de dessert : peut-être ; mais surtout ne pas se priver de désert. Prendre des plages de solitude, diminuer le flux des médias. Ouvrir sa Bible, se rassembler pour échanger sur les Ecritures, les dévorer et les ruminer afin de les assimiler, puis prier en silence : notre tâche prioritaire en ce temps.

 

     Oui, Seigneur, le monde m’invite à jouer à l’ange, et à faire de l’Église un lieu de prodiges et de prestige.

Certains chrétiens voudraient une Église où se réalisent des merveilles, où les croyants, blottis dans le cocon du sacré, sont transportés au 7ème ciel et y expérimentent le sublime.

« Qui fait l’ange fait la bête ». Le temple ni l’Eglise ne sont des lieux de foire et le chemin de la foi connaît beaucoup plus les affres du silence de Dieu que les extases bouleversantes. En carême, nous ne demanderons pas à Dieu de réaliser pour nous des miracles, de nous consoler par des visions mystiques qui nous aideraient à « planer » sur les saletés du quotidien. La foi n’est pas une drogue, le chrétien se débat dans la gadoue du chemin, il s’enfonce dans les ornières boueuses, il a les pieds et les mains sales. Mais le vrai danger serait de jouer à l’ange et de se retirer des affaires du monde. C’est là qu’il serait en péril de mort.

 

     Oui, Seigneur, le monde m’invite à me faire valoir, à être le Roi de ma vie, à ne pas compter sur toi … Mais avec toi, je veux croire que, comme toi, je peux être un Roi humilié, moqué, flagellé et crucifié.

Et Jésus nous dit : « Arrête la violence, le luxe, la splendeur, la corruption, l’instinct de conquête, l’idolâtrie de la réussite à tout prix ! Opte pour les moyens pauvres, la seule force de la Parole qui propose sans s’imposer, le refus de l’argent, la priorité aux petits, aux malades, aux ignorants.

Cela ne vaudra pas à Jésus le respect mais la croix.  Mais le Père rendra vie à son Fils.

La vie chrétienne n’est pas privation et tristesse mais enrichissement et joie de la Parole de Dieu

Elle n’est pas évasion dans le ciel et quête du merveilleux mais fidélité au quotidien

Elle n’est pas déploiement de puissance mais force de la faiblesse de Dieu.

 

Alors, n'ayons pas peur de partir au désert.  Jésus nous y a précédés; il est l'eau vive ... et au bout du chemin, nous attend la terre promise.  Amen